Cercle d'Etude de Réformes Féministes
Face aux obscurantismes (l'islamiste
et les autres) : le Devoir de Liberté
Philosophie du droit des femmes
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QU'EST CE QU'UNE LOI UNIVERSELLE ?
Définition
Une loi est
universelle lorsqu'elle est, de par son champ d'application et son contenu,
susceptible de s'appliquer également à tout le monde, sans discrimination.
Pour résumer
l'idée principale de cette définition, on peut écrire :
UNE LOI
UNIVERSELLE EST UNE LOI FAITE POUR TOUT LE MONDE.
Tout le
monde : tous les humains.
Problème
Au nom de
l'universalisme, les femmes réclamant des lois pour assurer leurs droits, sont
régulièrement accusées de vouloir élaborer un "droit spécifique".
Ceux qui se prétendent universalistes leur opposent que "la loi doit être
la même pour tous", que la loi existante leur donnerait déjà les droits
qu'elles réclament, qu'un corpus de texte pensé uniquement pour répondre aux
besoins spécifiques des femmes serait contraire au principe d'égalité.
Or les
femmes savent que malgré les lois proclamant de beaux principes généraux et une
égalité idéale, leurs droits fondamentaux : égalité des salaires, intégrité
physique, santé… sont bafoués.
D'où la question
: que représente la notion de loi universelle ?
UNIVERSEL
Une
situation de domination peut engendrer de pseudo-universalismes, qui ne sont
que l'expression de la vision du groupe dominant[1][1].
La
déformation de la notion d'universel par le groupe dominant[2][2]
prend des allures comiques en ce qui concerne les femmes :
Le dominant
est transparent :
« L’oppresseur
n’a pas d’existence apparente (...) Incarnation de l’universel, le dominant
constitue aussi l’unique Sujet, l’Individu », le seul qui n’a rien de
« spécifique » [3][3]
Le féminin
est « le deuxième sexe », spécifique, secondaire, sexuel : « Il
est le Sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre.»[4][4]
, "le beau sexe","une personne du sexe"..
Le masculin
est donc universel, général, générique, neutre, …et même asexué.
Pour Georges
Dumézil[5][5] : "Il n'y
a pas de subordination. Le masculin ne
conquiert pas l'autre sexe, il efface le sien. C'est simplement un moyen
grammatical d'éviter des longueurs. " : L'homme n'a pas de sexe, c'est
bien connu.
L’idée
d’universel « concret » opposé à « abstrait » ou
d’ « universel sexué »,
a été avancée pour fonder une législation de lutte contre la
discrimination. Il s’agissait de dénoncer une conception de l’universalisme
niant toute prise en compte des différences sociales.
Malheureusement
ces concepts ne paraissent en réalité ni clairs, ni efficaces.
Qu’est ce
qu’un universel « sexué », comment imaginer la contradiction même de
la division dans ce qui désigne le tout ?
La notion de « commun » ou de « tout » ne peut pas
être comprise dans le même concept que ce qui indique les critères de
distinction et les différents objets.
Qu’est ce
qu’un universel « concret » par opposition à un universel « abstrait » ?
Tout universel n’est il pas à la fois « abstrait » en tant qu’il est
la notion, l’ « idée » de se qui est commun à des réalités
distinctes, et « concret » en tant qu’il représente tous les objets désigné par cet idée, donc par
définition tous les objets, dans leurs infinies différences concrètes ?
A quoi sert
la notion d’universel sexué, sinon à nier la possibilité de penser un universel
complet, donc à revenir s’enfermer dans le différentialisme ?
A quoi sert
il de dire que l’universel doit être concret ? Il faut aller plus loin pour trouver comment
il peut l’être, ou plutôt, comment la notion d’universel doit être utilisée
dans la réalité concrète pour permettre de réaliser réellement l’idéal universel
dont elle est le symbole.
ABSTRACTION
L'abstraction
est un outil nécessaire au droit, mais la finalité de la loi n'est pas la
préservation de ses instruments de pensée. La finalité de la loi c'est la vie,
le bien-être, des êtres humains vivants, des personnes concrètes qu'elle aide à
vivre ensemble.
L'abstraction
doit servir l'universalisme pour servir la liberté des êtres humains. Les êtres
humains ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de l'abstraction, et encore
moins des intérêts particuliers qu'elle masque.
L'abstraction,
comme l'universalisme, ne peuvent réellement servir aux objectifs qu'on en
escompte qu'à certaines conditions, il ne suffit pas pour cela d'apparence
d'abstraction, d'apparence d'universalisme, il faut savoir ce que l'on entend
vraiment par universalisme et en quoi l'abstraction peut le servir.
L’universel
ne peut être sexué, concret ou abstrait.
Par contre,
l’universalisme, c'est-à-dire les conceptions valorisant l’universel, peuvent
elles être attachées ou pas à l’idée d’étude des situations concrètes, ou ne
valoriser que l’abstrait.
L’universel
est l’abstraction de caractères particuliers, l’universalisme n’est pas
nécessairement « abstractionalisme ».
Parler
"abstraitement" ne suffit pas à parler de tous et de toutes. Parler
abstraitement c'est parler de toutes et tous, si et seulement si l'abstraction
a été élaborée après l'étude du cas, de la situation de toutes et tous.
Abstraire
suppose de connaître toutes les données concrètes de la réalité. L'abstraction qui ne connaît pas son objet
n'est pas n'est qu'une vue parcellaire qui se prétend globale.
Le prétendu
universel de 1789 ( qui refuse aux femmes la citoyenneté du droit de vote)
n'est pas abstrait : il est borgne. En rang par deux, je ne veux voir qu'une
seule tête…
INDIVIDU-E HUMAIN-E
L’universalisme
est la reconnaissance de l’existence d’une commune humanité, sans laquelle
aucune notion d’égalité n’est possible, sans laquelle aucune liberté n'est
possible.
Les qualités
universelles reconnues à l'être humain sont la raison, la dignité, la
liberté... L'universalisme, en considérant chaque personne dans ses qualités
universelles, est le fondement de la reconnaissance de la liberté de chaque
individu-e humain-e.
L'universalisme
permet de considérer chaque personne comme libre, par la raison et la liberté
de l'esprit, de s'abstraire de tout enfermement. Il permet de récuser tout
enfermement d'une personne, au nom de la dignité qu'il lui reconnaît.
Seule la
vision universalisme permet de refuser l'emprisonnement des femmes dans un
droit différent au nom de la féminité, l'emprisonnement des noirs dans un droit
différent au nom de la négritude etc...
L’être réel
est un individu traversé par des qualités particulières, des particularismes,
il se trouve au croisement de ces fictions que sont les groupes sociaux, et
subit les effets bien concrets de ces constructions.
L’injustice[6][6] qu'il ou elle
subit est toujours particulière. Pour contrer l’injustice il faut rentrer dans
l’étude des particularités individuelles y compris celles résultant du
croisement des particularités de groupe, donc il faut rentrer dans les
particularités de groupe.
Il s’agit
non de changer la conception de l’individu en lui imposant de rentrer dans des
groupes et en organisant des rapports intergroupes, mais de voir en quoi
l’existence « sociale » de ces construction peut créer, imposer des
contraintes à des individus.
Et ce, afin
de l’en libérer, de lui faire retrouver ses libertés individuelles, et par là
sa personnalité propre, individuelle, (individuel dans le sens de personnel,
non pas de séparé de la nation), par le droit commun.
EGALITE
Pourquoi
l’égalité devant la loi ?
L’égalité
est une reconnaissance de l’égale dignité des êtres humains.
L'égalité a
pour objet de faire bénéficier chaque individu de la même liberté qu'autrui, et
non pas d'une forme particulière de "liberté", restreinte au nom de
telle ou telle appartenance réelle ou supposé.
Elle reflète
la liberté intrinsèque de chaque être humain, liberté par rapport notamment aux
déterminismes de groupe. Cette liberté qui elle même fonde la dignité de l'être
humain.
FASCISME DE
L'IDENTITE
La
destruction de la démocratie et de l'universel naît au coeur même de ses
valeurs. L'individu, sa liberté, son droit au bonheur, son
"identité"...
Nous parlons
ici du fascisme de l’expansion de soi, de soi et de son identité.
Que disent
les païens nazis ? Que la race supérieure doit l'emporter, que les gènes
supérieurs doivent l'emporter. Qu'il est bon que le plus fort l'emporte, qu'il
importe d'être fort et supérieur, en étant soi, "identitaire", ce qui
vaut est l'expansion du moi.
Que dit la
psychanalyse, peut être pas volontairement ? Si vous êtes bien, c'est bien, si
vous êtes malheureux, vous avez tort. C'est l'idéologie du bien être individuel
comme norme, comme obligation envers soi même, sans considération du reste. Je
dois "m'éclater".
L’appel à
l’exaltation identitaire, qu’elle soit nationale, religieuse ou autre, est de
la même nature que l’exaltation raciste ou la vénération du plus fort :
fasciste. Elle légitime l’écrasement des autres. Si mon premier devoir est
d’être moi, d'être bien moi, peu importe que je prive l’autre de quelque chose
pour parvenir a cette fin, cette fin est sacrée.
Les bombes
humaines ne s’autodétruisent pas, ils s'explosent, ils explosent, ils
amplifient leur moi, bien loin de s'anéantir, ils se projettent dans
l'éternité, rien à f.. des assassinés...
Autrefois,
il parait que l'"écriture sulpicienne" était très répandue. Une
écriture où les lettres, représentant les scripteurs, leur moi, étaient
étroites, et non arrondies et ventrues. Le moi se faisait petit, modeste,
pensant aux autres, réservant la place des autres. Il paraîtrait que l'écriture
arrondie, des moi grossis, se répande.
Or il est
vrai de penser que parfois être mal, se sentir mal, être restreint, est bon, que c'est aussi une
forme de réalisation de soi, tout en étant un sacrifice de soi, que c'est un
choix valable et non malade, non pas une maladie masochiste, mais une manière
de vivre une vie qui aura valu d'être vécue.
Etait il
idiot, malsain, méprisable, de mourir, de se faire torturer, pour la liberté
des autres ?
Le problème
est que pour vivre ensemble, il faut accepter une réduction de soi.
Des
mystiques parlent même de la réduction de dieu : pour que la création existe,
il fallait bien que dieu se réduise...
Pour vivre
ensemble, que ce soit dans un couple, une famille, un groupe, une nation, il
faut accepter de se réduire. Il faut accepter de tuer une part de soi, de se
mutiler, de ne pas vivre sa propre vie dans toutes ses potentialités, de ne pas
réaliser sa propre identité dans toutes ses dimensions. Il faut se tuer en
partie. Pour donner vie à une vie ensemble. Il faut renoncer à vivre de qui est
inconciliable avec la vie dans le groupe.
Une vie où
l'égalité des individus est envisageable, au nom de l'universel, sans leur
écrasement au nom des pseudos nécessités d'"identités".
QU'EST CE
QU'UNE LOI UNIVERSELLE ?
a)
FORMALISME DU PSEUDO-UNIVERSALISME
La loi n'est pas universelle à la seule condition de déclarer les règles
qu'elle édicte applicables à tous et toutes.
L’égalitarisme
du pseudo-universalisme n’est que formel. Or il ne suffit pas d’appliquer les
mêmes règles à tout le monde pour traiter tout le monde également. Encore faut
il avoir pris la peine de savoir quelles pouvaient être les conséquences de ces
règles pour tout le monde, compte tenu de la situation de chacun, compte tenu
de la situation des individus de chaque catégorie de la société.
b)
DEFINITION
La loi n'est universelle que si, en plus de l'égalité formelle de
l'application à tous et toutes :
- elle édicte des règles conformes à, cohérentes avec ses propres
principes fondamentaux,.
- elle garantit, donne effectivement à tous et toutes les droits qu'elle
énonce,
- elle
permet effectivement que l’exercice de la liberté des plus forts n’empêche pas
les plus faibles de jouir des mêmes libertés
- elle ne
crée pas elle même, malgré ses déclarations de principe, les conditions
matérielles, structurelles, d'apparition d'inégalités et de discriminations, et
au contraire,
- elle prévoit, créé les conditions matérielles et structurelles
permettant que droits et devoirs qu'elle prévoit soient effectivement les mêmes
pour tout le monde, pour toutes les personnes qu'elle régit,
- elle
contient l'obligation de lutter contre les idées qui entretiennent les
discriminations,
La loi doit
être pensée en fonction de ses effets sur toutes et tous.
c)
SOCIOLOGIE
Pour être
vraiment universaliste, vraiment égalitariste, il faut connaître toutes les
particularités.
La loi ne
peut être universelle que si elle a été élaborée en prenant en compte la
situation de tout le monde, après étude de toutes les différentes situations
concrètes des êtres humains concrets qu'elle souhaite régir.
Pour que les
règles assurent le respect des droits fondamentaux de tout le monde, pour que
les conditions créées par la loi permettent à toutes et tous d'avoir
effectivement les mêmes droits, il faut que le législateur connaisse la
réalité. Qu'il fasse de la sociologie, comme l'y incite le Doyen Carbonnier,
non pas pour calquer la loi sur les mœurs, mais pour connaître la réalité des
personnes, des individus concrètes qu'elle régit.
A ce niveau
du travail de législation, la différence est une notion effectivement capitale.
Il faut connaître, recenser les différences de situation, pour s'assurer que
l'on a bien pensé à tout le monde, qu'on n'a oublié personne en chemin.
"Il
faut sortir du neutre et reprendre une vision sexuée, pour identifier les
problèmes et développer les politiques en conséquences."[7][7]
Si la
justice est représentée comme aveugle, la loi ne peut en aucun cas l'être, sous
peine de n'être que la loi du plus fort, la loi est vision et réflexion de ce
qu'elle doit voir avant de prescrire.
Il faut
d'abord en connaissance de cause des situations particulières, penser la règle
générale que l'on souhaite voir applicable à tous et toutes, qui permettra à
tous et toutes d'avoir les mêmes droits ensemble en même temps. Il faut
s'assurer que l'on a trouvé les modalités qui lui permettent d'être applicables
à toutes et tous, compte tenu de la situation concrète de chacun ou plutôt de
chaque type de situation. Alors on peut trouver sa formulation en termes
abstraits, universaux, et dire qu'elle s'applique à toute personne,
universellement.
C'est ainsi
que la loi peut être une loi universelle, que ses modalités d’élaboration
permettent de considérer l’universalité de l’humain et de respecter concrètement
les droits des individus pris dans leurs situations, individuelles et de
groupes sociaux.
C'est-à-dire
d’articuler la liberté de l’être humain « universel » avec les
réalisations concrètes de ces libertés ou les obstacles concrets qu’il ou elle
rencontre dans l’exercice de ces libertés.
PERSPECTIVES
Pour
Elisabeth Badinter, en 1994[8][8] : "Le
mouvement féministe français est en effet dans une impasse. Pour la meilleure
raison possible : nous n’avons plus rien à demander du point de vue du droit.
Sauf peut être la parité en politique. Nous avons obtenu un arsenal de lois
très puissant, très égalitaire, qui couvre tous les domaines. Pourquoi
descendrions nous aujourd’hui dans la rue ? Pour clamer que nos compagnons n’en fichent pas une rame à la maison ? Pour
gueuler contre notre patron alors qu’existe une excellente loi sur le
harcèlement sexuel et que le droit à l’égalité du salaire est acquis ? Tout
n’est plus maintenant qu’une question de négociation personnelle entre hommes
et femmes. (..) A chacune de nous de faire appliquer nos droits.".
Le
diagnostic semble étrange de prime abord. Le féminisme sans objet en 1994 ? La
situation des femmes il y a dix ans, comme maintenant ne parait pas confirmer
cette vision.
Ce qui était
acquis en 1994 ( sous réserve de la législation concernant le nom, les droits à
retraites et quelques autres points tout de même...), c'était l'égalité
formelle. Ce qui n'est pas rien, certainement. Mais qui n'est pas tout ce que
l'on doit attendre du, et demander au droit.
Toutes les
institutions que crée ou perpétue le droit, et qui enferment les femmes dans
l'exploitation du travail féminin, doivent être remises en cause.
Il nous faut
penser, et instituer par la loi entre autres, également par la "négociation"
ou tout simplement, l'innovation, l'imagination personnelles, ( les secondes
permettant d'inventer la première) des institutions, des organisations, des
règles, qui n'enferment pas les femmes dans ce cercle vicieux de la domination
économique (et politique).
L'imagination
et la bonne volonté des couples, des hommes individuellement, ne peut rien si
les règles posées forment un cadre d'airain qui fausse la loi économique.
Il n'y a
rien non plus à attendre de la bonne volonté des patron (et patronnes), ni d'une
critique ou d'une sanction des entreprises, si structurellement, les lois
créent une antinomie entre rentabilité des entreprises et égalité des sexes.
Il faut
revoir notre mode de vie, la logique de nos institutions, repenser la cohérence
entre leur logique économique ou autre,
et le principe d'égalité, des sexes entre autres. Et traduire ces idées à
naître en droit.
Le féminisme
a encore du travail, y compris dans le droit.
.
ELISSEIEVNA
[1][1] Voir sur la notion d'universel : article "le bien et le mal" dans la
Revue du CERF 1er trimestre 2001
[2][2] Voir sur la notion d'universel : article "le bien et le mal" dans la
Revue du CERF 1er trimestre 2001
[3][3] Lise Noëlle, l’Intolérance,
une problématique générale , Les
Editions Boréales 1991, Bibliothèque
nationale du Québec
[6][6] comme la
souffrance qu'il ou elle subit, et comme les soins qu'on peut lui apporter :
voir texte "le bien et le mal"
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