Notre lettre, proposée et rédigée par moi, au Nouvel Obs sur
l'inceste, en 1999
Paris le 26 mai 1999
Le Nouvel Observateur
M. Laurent JOFFRIN
Rédacteur en chef
LETTRE AU SUJET DU DOSSIER DU NOUVEL OBS
SUR LES PERES ET LEURS FILLES
Monsieur,
Compte tenu de la gravité de la divulgation par votre
journal de thèses favorables aux pères incestueux, nous vous demandons de bien
vouloir publier le texte suivant, afin de donner aux lecteurs une vision plus exacte de la réalité de ces crimes.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations
distinguées.
LETTRE
Nous vous faisons part de notre indignation devant la teneur
de votre dossier sur les pères et leurs filles.
Tout d'abord il est frappant de constater que les
grands titres utilisés dans ce dossier
sont typiques de la rhétorique des pervers incestueux. Des expressions telles
que "le couple le plus mystérieux""amoureux de sa fille,
amoureuse de son père" qui relèvent du vocabulaire érotique sont transposés
à la relation filiale. Il ne peut d'agir ici d'allégories innocentes, car elles
représentent la confusion entre les générations, qui est une des
caractéristiques de l'inceste. "Je l'ai initiée parce que je l'aime"
prétendent les pères incestueurs.
Mais le plus grave est l'affirmation explicite, se référant
à la théorie classique de la psychanalyse, selon laquelle : " Tout remonte
à la petite enfance, à ce complexe d'Oedipe" "La séduction de la
fille est un substitut à la séduction phallique du garçon envers sa mère.
Certains pères cèdent à cette séduction s'ils sont mal structurés
psychiquement. D'où le nombre important d'incestes ". Imputer la cause des
incestes à la séduction des pères par leur filles c'est blâmer la victime,
rentrer dans la logique perverse de l'agresseur.
Pendant des décennies les cas d'incestes sont apparus peu fréquents : pourquoi ? Parce que au nom
d'une théorie du complexe d'Œdipe érigée en dogme, la psychanalyse officielle
avait imposé l'idee que les filles n'etaient pas agressées en réalité, qu'elles
"fantasmaient" ! Personne ne croyait les victimes … Depuis les
travaux de Mary Balmary, de Jeffrey Moussaiev Masson, d'Alice Miller et
d'autres psys, la théorie psychanalytique a été remise en cause au sujet de l'inceste
: votre article n'en fait aucune mention.
Non les incestes ne sont pas dus à la perversion des filles,
mais bien à celle des pères. Non l'inceste n'est pas une relation d'amour, mais de destruction de l'enfant. Les pères
l'imposent par la violence, la terreur, la menace, sur les enfants et sur la
mère, ou par une emprise douceureuse et d'autant plus déstructurante pour
l'enfant. Ils l'imposent aussi, et de plus en plus actuellement en accusant la mère qui tente de protéger
l'enfant, d'allégations mensongères, de dénonciation calomnieuses, de
non-présentation de l'enfant...
Forcer un enfant à voir son père, serait ce une preuve
d'amour de la part de ce dernier ?
Une campagne est menée actuellement pour discréditer ces
mères. Certes, la manipulation d'un enfant dans un divorce, l'accusation fausse
contre un père peuvent être dramatiques, d'abord pour l'enfant. Mais un abus
sexuel subi par un enfant laisse de nombreuses traces objectives (son
comportement, celui de son entourage, ses réactions, son état de santé physique
et mentale…) que des psychologues et des enquêteurs de police, dès lors qu'ils
font une étude approfondie, ne peuvent confondre avec le comportement d'un
enfant qui aurait été manipulé. Les affaires de pseudo- souvenirs d'inceste
obtenus sous hypnose aux USA, qui sont des aberrations, ne doivent pas être
récupérées pour disqualifier les expertises des pédopsychiatres en France.
Nous lançons un cri d'alarme. Parmi les pervers il y a
nombre d'hommes puissants, influents, manipulateurs, parfaitement capables
d'orchestrer de telles campagnes. La presse doit être vigilante, ne pas se
prêter à leur jeu : le sort de milliers d'enfants en dépend.
Signatures :
- Francine Comte, auteure de "Jocaste délivrée -
maternité et représentation des rôles sexuels" (1991)
- Françoise Gaspard, sociologue, E.H.E.S.S.
- Maya Surduts, Elisseievna, militantes féministes