elisseievna : Conte des Etres de Brume - parabole sur la loi universelle


Conte des êtres de brume


Il était une fois une jeune comête qui après une soirée une peu folle, avait emporté étourdiment dans sa traine, une coupe de champagne en cristal de bohème et une rivière de diamant. Au fil de sa course parmi les astres dans la nuit qui suivit,  elle frôla une planête lunaire : la coupe et la rivière dégringolèrent sur la planête.
La coupe de cristal de bohème et la rivière de diamant, seules sur leur lune, donnèrent naissance à des êtres de brume - de champagne- , des globes, dont la paroi fine était faite de cristal, ou de diamant. Les globes de brume devinrent après quelques millénaires, un peuple entier.
Le peuple des globes vivait dans la paix et l’harmonie, se nourrissant de buée et de lumière, les globes n’avaient aucun objet de dispute et passaient leurs jours à voguer sur les nuages et à méditer.
Pourtant un jour quelques globes de cristal se plaignirent amèrement : « Nous mourrons » disaient ils, « les globes de diamant nous heurtent et nous brisent : nous voulons une loi qui le leur interdise ... ».
« Chut, chuuut ! » s’écrièrent les autres globes de cristal, appeurés à l’idée que les globes de diamant pourraient s’approcher en entendant parler d’eux...
Les globes de diamant arrivèrent en effet et dirent : « Nous sommes tous des êtres de brumes, vous et nous ! Depuis le début des débuts sur notre planête, l’égalité parfaite est notre loi. Tous les globes ont les mêmes droits. Si la loi nous interdit à nous seuls de nous mouvoir librement, l’égalité aura disparu... »
« Nous sommes tous des êtres de brumes, vous et nous ! » répondirent les globes de cristal, « Depuis le début des débuts sur notre planête, les brumes ont vu le vent mortel disperser celles dont le globe s’était brisé. Les brumes ont toutes la même mort. Si la loi ne vous interdit pas de nous fracasser, l’égalité n’aura été qu’un rève, car vous nous tuez... »
« Nous vous tuons ? » s’étonnèrent les globes de diamant : « Si vous vous cassez lorsque nous vous heurtons c’est que vous êtes friables, c’est votre nature qui fait votre malheur. Quel esprit méchant vous inspire de vouloir nous punir injustement ? »
«  Nous, nous punir ? » répondirent les globes de cristal : « Si la nature rend vos errements dangeureux, ce n’est que votre aveuglement, et non la nature, qui fait notre malheur. Quel esprit mesquin vous inspire de nous refuser une loi vitale pour nous ? Elle sera parfaitement égalitaire, car elle dira « Aucun être de la planête ne doit détruire un globe, ni par son fait, ni par sa négligence »
Les globes de diamant, maugréant à l’idée d’abandonner leurs folles courses insouciantes dans les nuées, durent bien accepter la nouvelle loi, car elle était parfaitement égalitaire.
Or, quelques temps plus tard, la comête revint affleurer la planête. Elle revenait cette fois d’une fête si splendide, elle s’était si fort enivrée, qu’elle brûlait de feux incandescents lorsqu’elle frôla la surface lunaire... Si bien que quelques mois après son passage, naquirent un foule de petits volcans qui lançaient des feux d’artifice de laves incandescentes, tout autour de la planête.
Les globes de cristal de bohème s’émerveillaient des jeux des petits volcans, les levers de soleils paraissaient si joyeux,  traversés de fusées argentées, et les couchers de soleils si somptueux, ornés de perles d’incarnat. Quelques fois, les globes de cristal, heurtés par des nuages flambants, fondaient intégralement, mais quelques lieues plus loin, ils avaient refroidis et retrouvé leur forme de globe.
Mais quelle panique et quel désarroi parmi les globes de diamant ! Pris au dépourvu, plusieurs furent soudainement carbonisés et désintégrés par les étincelles brûlantes qui fusaient dans le ciel jusque là si tranquille de la planête. Il leur fallu plusieurs décades, pour retrouver leurs esprits.. Ils se rappelèrent alors les plaintes des globes de cristal. Sans trop y croire, ils crièrent aux volcans la loi inventée par les cristals : « Aucun être de la planête ne doit détruire un globe, ni par son fait, ni par sa négligence ».
Maugréant fortement, les petits volcans finirent par se plier à l’austère discipline, renonçant à leurs insouciantes et aveugles explosions. Ouvrant les yeux, ils virent alors les globes de diamant et de cristal, briller de tous leurs feux dans la lumière de lune. Et les globes de diamant n’eurent plus de cesse de célébrer la sagesse des brumes de bohème...

Ceci nous enseigne que la justice n’existe pas si la loi est incomplête, et que pour être complête et universelle, c’est de connaissance, de recherches, dont la loi a besoin, et non de règles particulières.
Quand les globes de diamant se croyaient à l’abri de la mort, ils n’imaginaient pas qu’une loi doive interdire le meurtre. En effet, pourquoi interdire ce qui n’existe pas ? Quand ils comprirent, la loi interdit le meurtre absolument.
La loi n’est pas universelle si elle n’est pas faite pour toutes les personnes qui vivent,  et tout ce qu’elles vivent.

                                                                                                                                              Elisseievna
 1996

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