elisseievna : Féminisation : La violence commence par les mots




Féminisation : La violence commence par les mots

A quelques jours d’intervalles, le Sénat vient de voir une confrontation entre une Ministre, Brune Poirson, et un sénateur, Gérard Longuet, au sujet du féminin des titres, et le Figaro publie une interview de deux hommes linguistes, prétendant qu’il faut être dans un « délire d’intellectuel » pour croire que l’orthographe peut empêcher « un salopard de battre sa femme ».  (http://www.lefigaro.fr/vox/culture/2018/11/23/31006-20181123ARTFIG00187--imaginer-que-modifier-l-orthographe-va-empecher-un-salopard-de-battre-sa-femme-c-est-un-delire-d-intellectuels.php )

La Ministre a parfaitement raison de sermonner le muffle qui par deux fois tente de la rabaisser en la nommant improprement. ( mardi 20 novembre 2018, https://www.lci.fr/politique/appelez-moi-madame-la-ministre-quand-brune-poirson-reprend-gerard-longuet-a-la-volee-2105248.html )

Car la violence physique commence et est encouragée par l’humiliation verbale : la violence commence par les mots.

Pour ignorer le lien entre la violence verbale et la violence physique, il faut être complètement déconnecté de la réalité des violences conjugales, qui commencent pratiquement toutes par des humiliations morales.

La grammaire française accorde le genre grammatical du nom et des adjectifs, avec le sexe de l’être vivant désigné. Telle est la règle connue de tous. Et toutes.

Lorsque l’être humain désigné n’est une personne en particulier, mais un ensemble de personnes, par exemple toutes les personnes pouvant remplir telle fonction, il peut être pratique d’utiliser une autre règle grammaticale, celle qui veut que les énoncés soient réduits au plus court et concis, dès lors que le sens est clair. D’où l’emploi de la version plus courte, sans suffixe du mot : la version masculine.

Mais il peut être également important d’utiliser la règle de politesse qui veut que l’on s’adresse à un public sans en ignorer ostensiblement une partie. D’où l’emploi des formules d’adresses doubles, au début d’un texte ou d’un discours : Mesdames, Messieurs, Le ou la Sénatrice …

Quand un homme « masculinise » le titre d’une femme, cette femme se voit ostensiblement dénié le titre correspondant à sa fonction, elle est publiquement ridiculisée par le travestissement.

Désigner des femmes remplissant des fonctions sous un nom mis au masculin est une humiliation publique visant à leur faire sentir qu’elles ne sont pas légitimes dans leurs fonctions, et une menace lancée à toutes les femmes, visant à leur faire comprendre qu’elles ne doivent pas espérer être longtemps encore acceptées dans ces fonctions, qui seraient par nature masculines.

L’année dernière, une circulaire de Edouard Philippe, a enjoint aux administrations d’accorder les textes au « genre » à la personne désignée. Bien que je regrette l’utilisation de ce mot pour parler du sexe des personnes, bien que le dernier paragraphe, commençant par l’expression « en revanche », (voir ci-dessous le texte de cette circulaire ) puisse faire croire que la féminisation serait contraire à la grammaire, j’approuve également cette circulaire.

Elisseievna
25 novembre 2018


Extrait des échanges entre Brune Poirson et Gérard Longuet :
Mardi 20 novembre
Le sénateur LR Gérard Longuet a, à deux reprises au sein de son allocution, appelé Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, "Madame le ministre", mardi 20 novembre au Sénat. 

Réponse de la membre du gouvernement: "Monsieur le sénateur, je veux bien croire que votre langue a fourché : on dit Madame la ministre."
Et alors que Brune Poirson compte visiblement en rester là pour aborder le fond du sujet, Gérard Longuet renchérit, dans une réponse inaudible en dehors des micros. La ministre reprend : "Vous voulez qu'on rentre dans ce débat-là, je suis désolée mais je vous demande de m'appeler Madame la ministre, c'est comme ça." 

Nouvelle interruption. "Non ! Je ne veux pas que vous m'appeliez 'chère amie', je veux que vous m'appeliez madame LA ministre. Comment pouvez-vous prétendre répondre et parler au nom des Français ? Vous parlez d'une aspiration des Français, mais une aspiration des Français, c'est l'égalité femmes-hommes, Monsieur le sénateur. (...) Je fais comme vous, parfois, je profite d'une tribune pour parler d'un tout autre sujet et en l'occurrence, là, il est ancré dans la réalité : je vous demande de m'appeler Madame LA ministre, le débat est clos, c'est comme ça et pas autrement." 

Gérard Longuet répond à la ministre : "Bah je ne vous appellerai plus alors !"



JORF n°0272 du 22 novembre 2017
texte n° 4


Circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française

NOR: PRMX1732742C
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/circulaire/2017/11/21/PRMX1732742C/jo/texte

Le Gouvernement est résolument engagé dans le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes. Son action dans ce domaine passe à la fois par des mesures concrètes, que la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes a pour mission de proposer dans l'ensemble des politiques publiques et par une démarche éducative et culturelle à laquelle se rattache la lutte contre les stéréotypes qui freinent le progrès vers une égalité plus réelle.
Dans les actes administratifs, vous veillerez à utiliser les règles suivantes :

- Dans les textes réglementaires, le masculin est une forme neutre qu'il convient d'utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes.
- Les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne. Lorsqu'un arrêté est signé par une femme, l'auteure doit être désignée, dans l'intitulé du texte et dans l'article d'exécution, comme « la ministre », « la secrétaire générale » ou « la directrice ».
- S'agissant des actes de nomination, l'intitulé des fonctions tenues par une femme doit être systématiquement féminisé - sauf lorsque cet intitulé est épicène - suivant les règles énoncées par le guide d'aide à la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions élaboré par le Centre national de la recherche scientifique et l'Institut national de la langue française, intitulé « Femme, j'écris ton nom… ».
- Suivant la même logique, je vous demande de systématiquement recourir, dans les actes de recrutement et les avis de vacances publiés au Journal officiel, à des formules telles que « le candidat ou la candidate » afin de ne pas marquer de préférence de genre.
- En revanche, je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine. Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l'Etat doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme.

Je vous remercie de veiller à la bonne application de ces principes par l'ensemble des services placés sous votre autorité.

Edouard Philippe


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