LA CONSTITUTION EUROPEENNE
EN 8 PAGES, POUR LES NULS EN
DROIT
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de
constitution. »
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 Art
16
« Un peuple a toujours
le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération
ne peut assujettir à ses lois, les générations futures ».
Déclaration de 1793 Art
28
« Le droit
institutionnel de l’Union reste compliqué…Le système institutionnel lui-même
s’est complexifié, compte tenu notamment de l’apparition de nouveaux acteurs
tel le Président du Conseil et le Ministre des Affaires Etrangères…Le citoyen,
comme le praticien averti, sera donc toujours plongé dans la perplexité à la
lecture des textes régissant les procédures d’élaboration du droit de
l’Union »
(Commentaire de la
Constitution de l’Union européenne, édité par Marianne Dony et Emmanuelle
Bribosia, Institut d’Etudes européennes, Editions de l’université de Bruxelles,
2005)
I) NATURE DU TEXTE : CONSTITUTION OU TRAITE … OU PROGRAMME
POLITIQUE
PREETABLI ?
Edition complète de la Constitution : Office des Publications
officielles des Communautés européennes 482 pages - 17,6 x 25 cm –
http://publicationd.eu.int/
NB : les articles du traité sont à lire en tenant compte des
« déclarations » annexées à l’acte final, qui les précisent.
A) Traité ou constitution ?
Le texte qui nous est soumis est un traité, mais son objet et sa forme sont
ceux d’une Constitution, une fois ratifié il fonctionnera comme une
Constitution. On peut parler d’une constitution adoptée par voie de
traité.
1) Le traité a le contenu d’une Constitution.
Le traité donne à l’Union européenne :
- la « personnalité juridique » (art I-7), c'est-à-dire qu’elle
est elle-même titulaire et auteure de droits, « sujet de
droit », et a le droit de signer en son nom de futurs traités (art
III-323 & 324), à l’instar d’un Etat, et pourra lever l’impôt (art I- 54-3)
- une déclaration des « droits » fondamentaux (la Charte
européenne modifiée, partie II du traité),
- des organes de décision : Conseil européen, Conseil (des ministres),
Commission, Parlement…, auquels il confère des pouvoirs législatif et
exécutif.
Il donne au droit de l’Union primauté sur « le droit des Etats »,
(y compris sur leurs Constitutions) (I-6).
2) Le traité a la forme d’une Constitution.
Le traité n’a pas été adopté par une assemblée constituante, ce qui est la
forme « normale », la plus courante, des constitutions.
Mais il doit, pour être ratifié, être approuvé par les parlements ou les
citoyen-nes se prononçant par référendum. C'est-à-dire qu’il doit être ratifié
dans chaque Etat par des assemblées ayant le pouvoir chacune dans leurs Etats,
de modifier les constitutions de leurs Etats, c'est-à-dire prouvé par des
« pouvoirs constituants ».
B) Programme politique préétabli ou justification à priori de
n’importe quelle décision de l’Union ?
1) Programme politique préétabli
Le rôle d’une Constitution est de déterminer le cadre dans lequel la vie
politique démocratique va pouvoir se dérouler, c'est-à-dire pour reprendre les
termes de la déclaration de 1789, les « droits » (fondamentaux) qui
devront être « garantis », et les organes des pouvoirs législatifs et
exécutifs, qui devront être « séparés ».
Le « traité constitutionnel européen » comprend de plus la
définition des « objectifs de l’Union ».
Ces « objectifs » comprennent à la fois les buts que devraient
poursuivre tout bon gouvernement d’un Etat, et les moyens choisis une fois pour
toutes pour les atteindre.
Ces moyens sont notamment la « concurrence libre et non
faussée », la « stabilité des prix » ( art I-3), au nom d’une
doctrine économique bien précise : « les Etats membres et l’Union
agissent dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la
concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources » (art
III-178) ( et ce même en cas de guerre ou de troubles graves… voir l’étonnant
art III-131 !).
(On peut comparer la brève liste des buts énoncés par le préambule de la
Constitution des USA « justice, paix intérieure, défense commune,
bien-être général, bienfaits de la liberté à nous-mêmes et notre
postérité » aux articles I-2 & 3 de la Constitution européenne.)
Enfin, le traité établi la liste des lois à voter par l’Union et les
comportements à avoir par les Etats membres pour atteindre ces objectifs
(Partie I et III).
Il est notamment prévu que la politique de défense de l’Union « est
compatible avec la politique de sécurité et défense arrêtée dans [le] cadre [de
l’OTAN] » (art I-41-2), et que l’Union adhère à la « Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme » (art I-9-2)
Ainsi, le traité défini un programme politique préétabli ( d’où son
extrême longueur). Cela ne s’est jamais vu dans aucune constitution
démocratique : à quoi servent les élections si les choix politiques sont
déterminés une fois pour toute par la Constitution ?
On peut parler ici d’une « ABOLITION DU POLITIQUE », et par conséquent du
principe de la démocratie.
« Avec cette partie III, c’est comme si on avait inscrit dans la
Constitution française que l’on allait privatiser ou nationaliser : ce
n’est pas du domaine de la loi fondamentale, mais de celui du débat politique
quotidien. » Guy Braibant, juriste, auteur de la Charte,
« l’Humanité » 27 avril 2005.
« Le traité … vide le débat politique de tout contenu et de tout objet
en déclarant inconstitutionnel tout programme politique de gauche …»
Jacques Généreux Manuel critique du parfait Européen Seuil 2005.
2) Justification préalable de n’importe quelle décision de l’Union
La définition du programme de l’Union pourrait amener à penser que seules
une catégorie bien définie de décisions pourront être prises par l’Union. Ce
qui est bien sur dangereux puisque cela interdit un certain nombre de décisions
qui pourraient s’avérer utiles. Mais il y a pire : un danger
apparemment opposé est également à craindre.
Ce texte très long comprend une définition d’ « objectifs »
et de « droits » très vaste, (largement incompatibles entre eux
d’ailleurs), tellement vaste qu’en réalité il pourra servir à justifier
quasiment n’importe quelle décision prise. Il y aura pratiquement toujours un
article invocable pour donner un fondement constitutionnel à une norme édictée
par un des organes de l’Union ( conseils, commission, parlement, cour, banque
…). Autrement dit, ce texte ouvre la voie à l’arbitraire.
II ) NATURE ET TERRITOIRE DE L’UNION, CITOYENNETE EUROPENNE
A) Nature de l’Union : une forme de fédération sans police ni armée
propres.
Nulle part dans le traité n’est défini la nature de l’Union : il est
dit qu’il est institué l’Union, sans plus d’explication ( art I-1).
De même, il prévoit que l’Union « exerce sur le mode communautaire les
compétences [que les Etats] lui attribuent », sans définir le sens de
l’expression « mode communautaire » ( art I-1).
Selon Valéry Giscard d’Estaing « Le mot fédéral a été remplacé par le
mot communautaire, ce qui veut dire exactement la même chose » (Figaro
Magazine 27 septembre 2003).
L’Union n’a pas de police propre. C’est à peu près le seul point qui la
différencie d’une fédération. Si la « force publique » doit être
utilisée pour appliquer le droit européen, chaque Etat concerné doit le faire
en utilisant ses propres forces de police (art I-5-2)( « Europol » et
« Eurojust » permettent seulement de « coordonner » ces
forces – art III-273 à 276).
Mais il est prévu « une défense commune » (art I-16, I-41-2) et
d’ores et déjà des « missions » et « coopérations
structurées » dans ce domaine (art I-41, III-310 & 312)
On relève encore que le traité donne pouvoir à la Commission de surveiller
l’évolution économique et la conformité de la politique économique des Etats
membres avec les orientations définies par l’Union, d’adresser un
« avertissement » à un Etat qui ne s’y conformerait pas, le Conseil
pouvant dans ce cas adresser des « recommandations » à l’Etat en
cause (art III-179-4). Le traité donne aussi le pouvoir à la Cour de justice de
l’Union d’infliger des amendes en cas de non transposition de loi-cadre
européenne (art III-362).
B) Territoire
Le territoire n’est pas défini. « L’Union est ouverte à tous les
Etats européens qui respectent ses valeurs» (art I-2).
Nulle part n’est définie la notion de « européens », posée la
condition de ne pas appartenir à un autre groupe d’Etat se réclamant d’autres
valeurs. Le traité est signé par la Turquie ( voir « acte
final »), alors qu’elle appartient à l’ Organisation des Etats Islamiques.
En juin 2004, au moment même où le traité constitutionnel était voté, la
Turquie accueillait une conférence de l’OCI dont la déclaration finale
comprenait une condamnation de l’Union européenne : l’OCI reprochait à
l’Union européenne d’avoir condamné les châtiments corporels prévu par le droit
musulman, dont la lapidation.
C) Citoyenneté
Les citoyen-nes des Etats de l’Union auront la nationalité européenne (art
I-10).
A noter que les « turcophones », c'est-à-dire 130 millions de
peuples d’asie centrale (d’ethnie turque et de religion musulmane), ont de
droit à la nationalité turque : donc ils auraient la nationalité
européenne.
III) REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE UNION ET ETAT
A) Domaines d’intervention de l’Union
Dans une constitution fédérale, il y a définition de la répartition des
compétences entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés.
Par exemple la Constitution des USA donne une liste limitative des
compétences du Congrès (Sénat et Chambre des représentants) (art I section 8)
et une liste limitative des décisions interdites aux Etats (art I section 10).
Par liste « limitative » on entend une liste donnant
l’intégralité des éléments de la liste, par opposition à une liste
« indicative », qui ne fait que citer un certain nombre d’exemples
d’éléments pouvant faire partie de la liste.
La Constitution européenne définit les compétences de l’Union
essentiellement en fonction de ses « objectifs » (art I-11-2).
Il est indiqué que « l’Union agit dans les limites des compétences
que les Etats lui ont attribuées dans la Constitution pour atteindre les
objectifs qu’elle établit » et que « Toute compétence non attribuée à
l’Union dans la Constitution appartient aux Etats membres », mais aucune
liste limitative des compétences de l’Union n’est donnée, ni aucune liste des
compétences réservées aux Etats membres.
Il faut lire toute la Constitution pour trouver, tant dans sa partie I que
dans sa partie III, toutes les actions à faire par l’Union et les compétences
correspondantes qui lui sont attribuées.
On voit ainsi (entre autres) que l’Union , (art III-179)
fixe « les grandes orientations des politiques économiques des
Etats membres et de l’Union », (art III-225) « définit et met en
œuvre une politique commune de l’agriculture et de la pêche, (art
III-130, 172, 173) « adopte les mesures destinées à … assurer le
fonctionnement du marché intérieur , (art III-134 & 136)
« la libre circulation des travailleurs », (art III-267)
« une politique commune de l’immigration », (art III-171)
« l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre
d’affaires et autres droits indirects… », (III-258) « définit les
orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle
dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice », (III-294)
« définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité
commune couvrant tous les domaines de la politique étrangère et de la
sécurité »…
Ces domaines concernent donc largement les questions intérieures aux Etats.
Le titre III de la partie I prévoit qu’en tout état de cause, (art I-18
« clause de flexibilité ») « si une action de l’Union parait
nécessaire, dans le cadre des politiques définies à la partie III, pour
atteindre l’un des objectifs visés par la Constitution, sans que celle-ci n’ait
prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil des ministres …
adopte les mesures appropriées ».
Au cas où la Constitution aurait oublié d’attribuer une compétence à
l’Union, le Conseil et le Parlement européen pourraient la lui donner…
A défaut de liste des domaines réservés aux Etats-membres, les
conventionnels ont consenti à indiquer que (art I-5) « L’Union … respecte
l’identité nationale [des Etats], inhérente à leurs structures fondamentales et
constitutionnelles… » (Cf Commentaire de la Constitution de l’Union
européenne, édité par Marianne Dony et Emmanuelle Bribosia, Institut d’Etudes
européennes, Editions de l’université de Bruxelles, 2005, page 52).
Une formulation aussi vague que « l’identité nationale » ou les
« structures fondamentales » ne semble pas être d’une grande
efficacité pour protéger les législations nationales d’éventuels empiètements
européens.
On note que dans plusieurs domaines, notamment le droit du travail et la
fiscalité, l’Union s’interdit d’harmoniser les législations ( ex : art
III-210-6). Les partisans d’une harmonisation « par le haut » du
droit social le regrettent, et dans la mesure où l’Union définit les
orientations principales de la politique économique et sociale, on voit mal
l’intérêt de maintenir la complexité de réglementations différentes selon les
Etats …
B) Degré d’intervention de l’Union
1) Dans le droit interne des Etats-membres
Le titre III de la partie I distingue différentes sortes de
compétences : compétence exclusive de l’Union dans 5 domaines (art I-13),
compétences de coordination dans 7 domaines (art I-17), compétence partagée
entre l’Union et les Etats-membres dans les autres domaines ( la liste figurant
à l’article 14 n’est qu’une liste indicative des « principaux domaines »
concernés).
Selon la Constitution les actes relevant de la compétence partagée doivent
respecter les principes de « subsidiarité » et de
« proportionnalité », c'est-à-dire qu’ils ne doivent intervenir que
dans la mesure où il est plus approprié, pour atteindre les objectifs de
l’Union, que celle-ci agisse, plutôt que les Etats membres (art I-11), mais il
est aussi indiqué que dans ces domaines « les Etats exercent leur
compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ou a décidé de
cesser de l’exercer » (art II-12).
« Au regard de la définition des compétences exclusives, les
compétences partagées se caractérisent par le fait que les Etats membres ne
sont pas dessaisis de leur compétence d’agir du jour au lendemain … mais au fur
et à mesure de l’exercice par l’Union de ses compétences. In fine, le
dessaisissement des compétences des Etats membres pourrait être total. »
(Commentaire de la Constitution de l’Union européenne, édité par Marianne Dony
et Emmanuelle Bribosia, Institut d’Etudes européennes, Editions de l’université
de Bruxelles, 2005 page 59)
Contrôle de la subsidiarité par les Etats :
Selon le « protocole sur l’application de la subsidiarité et de la
proportionnalité » (protocole n° 2) , les parlements des Etats sont
informés uniquement des actes législatifs de l’Union (art 2), et leur seul
pouvoir est de protester : l’auteur de l’acte européen peut décider de maintenir
sa décision ( art 7). Les Etats membres peuvent exercer un recours devant la
Cour (art 8).
2) Dans le droits des Etats-membres de se coopérer entre eux : les
« coopérations renforcées »
Si certains des Etats membres de l’Union souhaitent coopérer pour telle ou
telle action, ils doivent recevoir l’autorisation de l’Union, à des conditions
assez lourdes à remplir (art I-44). Ce qui fait dire à certains
commentateurs que l’Union n’aime pas la liberté d’association …
Etant donné la primauté du droit européen, et le domaine quasi illimité de
compétence du droit européen, à raison des « objectifs de l’Union,
certains juristes parlent d’ABOLITION IMPLICITE DE LA CONSTITUTION FRANCAISE (
Armel Pécheul « La nouvelle Union
Européenne » Ed. François-Xavier
de Guibert).
Voir plus bas la note concernant « la démocratie participative, les
droits des minorités et la laïcité »
IV ) « LA CHARTE EUROPEENNE » ET LES PRINCIPES DE L’UNION
La « Charte européenne » adoptée à Nice a été reprise avec
certaines modifications dans la partie II du traité.
Il est précisé (art 112) qu’elle doit être interprétée en fonction des
« explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la
Charte » : voir déclaration 12 annexée à l’acte final.
Certains juristes expliquent que la phrase de la déclaration de 1789
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assurée…n’a pas de constitution » signifie que pour que la liberté soit
assurée, il faut non seulement que les pouvoirs soient séparés afin qu’aucun
des pouvoirs ne puisse être abusifs, mais encore que la somme des pouvoirs, que
les pouvoirs coalisés entre eux, ne puissent pas porter atteinte
aux droits fondamentaux des hommes et femmes.
Ils s’inquiètent du fait que la IIème partie de la Constitution
contiendrait outre des droits-libertés, des « droits-créances » qui
pourraient autoriser à empiéter sur les droits libertés, de la même façon qu’au
nom des « droits réels », l’URSS bafouait les « droits
formels » supposés bourgeois.
D’autres remarquent au contraire :
- le peu de droits précis reconnus par la partie II de la Constitution (
exemple « droit de travailler » art II-75 et pas « droit au
travail »),
- le fait que les droits de la partie II concernent uniquement la mise en
œuvre du droit de l’Union (art II-111)
- l’obscurité de la distinction faite (art II-112) parmi les
« droits » énoncés dans la partie II, entre « droits »
proprement dit et « principes » (art 52 et explications de la
déclaration 12) ….
V) INSTITUTIONS DE L’UNION
A) Parlement
§ Election au
suffrage universel direct.
§ Composition proportionnelle
au nombre des citoyen-nes, au maximum 750, avec un minimum de 6 et un maximum
de 96 par Etat, déterminée par le Conseil européen. (art I-20-2 & 3)
§ Fonctions :
législative et budgétaire, contrôle politique et fonction consultative (art
I-20-1)
B) Conseil européen
§ Composition :
chefs d’Etats et de gouvernements européens (art I-21-1)
§ Nommé par et Responsable devant :
personne dans l’Union, voir Constitutions des Etats.
§ Règles
de majorité : « consensus sauf lorsque la Constitution en dispose
autrement » (art I-21-4)
§ La
« majorité qualifiée » dans les Conseils (art I-25) est de 55%
( ou 72% selon les cas) des membres du Conseils représentant 65% de la
population de l’Union.
§ Le
Président du Conseil européen est élu à la majorité qualifiée pour une
durée de deux ans et demi renouvelable une fois (art I-22).
§ Il
ne peut pas exercer de mandat national.
§ Le
Ministre des affaires étrangères de l’Union est nommé par le Conseil
européen, avec l’accord du Président de la Commission, qui peut mettre fin à
son mandat selon la même procédure (art I-28-1)
C) Conseil des ministres ou « Conseil »
§ Le
conseil des ministres est « ci après dénommé « Conseil » (art
I-19)
§ Composition :
un représentant de chaque Etat au niveau ministériel (art I-23-2)
§ Nommé par :
Etats membres
§ Responsable devant :
personne dans l’Union, voir Constitutions des Etats.
§ Règles
de majorité : « majorité qualifiée, sauf dans les cas où la
Constitution en dispose autrement » (art I-23-3)
§ Fonctions : législative et
budgétaire, définition des politiques et coordination (art I-23-1)
D) Commission
§ Composition :
« membres choisis en raison de leur compétence générale » (art
I-26-4), nombre de membres égal à deux tiers du nombre des Etats membres
selon un système de rotation défini par le Conseil européen (art I-26-6)
§ Mandat
de 5 ans (art I-26-3)
§ Nommée
par : le Conseil européen, après un vote d’approbation du Parlement
européen, parmi une liste de noms proposé par le Conseil (des ministres) en
accord avec le Président de la Commission élu (art I-27-2)
§ Responsable en
tant que collège devant : le Parlement européen (art I-26-8)
§ Fonctions :
« promeut l’intérêt général de l’Union », exécution budgétaire,
coordination (art I-26-1), « un acte législatif de l’Union ne peut
être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans le cas où
la Constitution en dispose autrement (art I-26-2)
§ Président
de la Commission élu par le Parlement (art I-20-1) sur proposition du
Conseil européen (art I-27-1).
E) Autres organes :
- Cour de justice de l’Union européenne : Elle comprend la Cour de
justice, le Tribunal et les tribunaux spécialisés
- Banque centrale européenne : caractérisée par l’indépendance
vis-à-vis des autres organes européens
- Eurogroupe : réunion de ministres des Etats utilisant l’Euro
- Cour des comptes, Comité économique et social, Conseil des régions,
Médiateur ….
F) Comparaison avec la constitution des USA :
La Constitution des USA attribue :
- le pouvoir législatif au Congrès, composé d’une Chambre des
représentants, composée (initialement) d’un représentant pour 30 000
habitants, et d’un Sénat comprenant deux sénateurs par Etat,
- le pouvoir exécutif au Président, élu au suffrage universel indirect et
nomme ses « secrétaires » d’Etat .
G) Conséquence du mode de nomination des décideurs de l’Union :
1) Impossibilité de renverser le pouvoir, de changer d’équipe.
La Commission sert de « fusible » aux Conseils, mais les
Conseils, qui choisissent les membres de la Commission, ne sont responsables
collectivement devant personne. Chaque peuple ne peut changer qu’un seul des
membres du Conseil européen ou du Conseil (des ministres). Le Parlement
européen peut renverser la Commission mais ne peut pas choisir librement les
personnes nommées, il ne peut qu’accepter ou refuser les noms proposés par le
Conseil.
2) Blocages
En fonction de la procédure « législative » ( voir ci-dessous),
du mode de nomination, et de l’absence de responsabilité (le Parlement ne peut
être dissous, ni les Conseils censurés), il y a plusieurs possibilité de
blocage institutionnels.
VI) LOIS EUROPEENNES ET AUTRES « ACTES » EUROPEENS
Dans un Etat de droit, on distingue habituellement : d’une part la
loi, votée par le Parlement, le pouvoir législatif, et d’autre part les
règlements ( intitulés décrets, arrêtés …) décidés par le Gouvernements et
autres autorités faisant partie du pouvoir exécutif.
Dans un Etat de droit, il existe une « hiérarchie des
normes » : la Constitution est la norme suprême, à laquelle doit être
conforme les lois, les règlements devant être pris conformément aux lois.
Dans les démocraties parlementaires, le « pouvoir
législatif » inclut évidemment le droit de prendre l’initiative de textes
de lois, et les députés peuvent prendre l’initiative d’une loi
et la voter sans être bloqués par l’exécutif (c’est le cas en France comme aux
USA).
Le moins que l’on puisse dire est que la Constitution européenne
étonne à ces égards.
A) Les actes juridiques européens
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Textes directement applicables
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Textes obligatoires quant au résultat à atteindre,
mais laissant aux Etats le choix des moyens
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Obligatoires
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Actes législatifs
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Loi européenne
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Loi-cadre européenne
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Obligatoires
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Actes non législatifs
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Obligatoires
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Actes non législatifs
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Texte complétant ou modifiant certains éléments non
essentiels de la loi ou de la loi-cadre
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Règlements européens délégués
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Règlements européens délégués
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Obligatoires
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Actes non législatifs
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Texte pour la mise en œuvre des actes législatifs ou
de certaines dispositions de la Constitution
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Règlement ou Décision
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Règlement ou Décision
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Actes d’exécution
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Règlement ou Décision
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Règlement ou Décision
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Non obligatoires
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Recommandations et avis
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B) Les procédures
1) Lois et lois-cadres
a) Procédure législative ordinaire (art I-33-1 et art
III-396) :
- Initiative de la Commission, co-décision du Parlement et du
Conseil, en cas de désaccord le texte n’est pas adopté.
- variante : Droit de pétition : (art I-47-4) : les citoyens
peuvent se réunir un million de signatures, pour inviter la Commission à proposer
un acte juridique, et la Commission peut décider de n’en rien faire.
- variante : initiative prise par un groupe d’Etat ou le Parlement, ou
la BCE ou la Cour, « dans les cas spécifiques prévus par la
Constitution… » (art I-33-3)
b) Autres procédures législatives (art I-33-2) :
- lois « adoptés par le Parlement européen avec la participation du
Conseil » :
dans 3 cas : art III-330-2, art III-335-4, art III-333 (Cf
Commentaire de la Constitution de l’Union européenne, édité par Marianne Dony
et Emmanuelle Bribosia, Institut d’Etudes européennes, Editions de l’université
de Bruxelles, 2005, page 184)
- ou « par le Conseil avec la participation du
Parlement » :
généralement après consultation du Parlement, parfois après
approbation de celui-ci (Cf Dony, page 184 et 188), dans une trentaine de
cas :
art I-54-3 et I-54-4 (ressources propres), art I-55-2,
art III-124-1 (mesures anti-discrimination), 125-2, 126, 127, 129, 157-3
(mouvements de capitaux avec les pays tiers, investissements directs), 171
(harmonisation fiscale),173, 176, 184-13-al 2 (déficits excessif), 185-6, 210-3
(sécurité sociale), 223-2 (fonds structurels et fond de cohésion), 234-2
(environnement), 251-3, 256-3, 269-3 (mesures relatives au droit de la famille
ayant une incidence transfrontalière), 275-3, 277, 291, 330, 393, 424.
2) Décisions et règlements
- le Conseil européen adopte des Décisions (art I-35-1)
( liste : I – 20-2, 24-4, 24- 7, 26-6, 40-7, 55-4,
59-2, III- 136-2, 258, 270-3, 271-3, 274-4, 293-1,
382-2, IV- 440-7, 444-1 et 2, 445-2) (Cf Dony page 184 et
190), et aussi : III-295-al 1 (défense)
- le Conseil (des ministres), la Commission, la Banque adoptent des
Décisions et des règlements (art I-35-2)
( liste des actes du Conseil des ministres : I- 32-5, 40-3,
41-4, 59-1 & 2 & 3 & 4, III- 130-3 (marché
intérieur), 151-5 (tarif douanier), 158-4, 159, 160, 163 (concurrence), 167-2c
& 3e, 168-2, 169, 170-3, 180-1 & 2, 183-2, 184-9 & 10, 184-13 al 3,
186-2, 187-4, 190-3, 192-3, 196-1, 198-2, 198-3, 201-2, 208, 210-3, 212-2, 217,
230-2, 231-3, 234-2, 237, 240-3, 243,253, 260, 263, 266-3, 269-3, 270-2, 291,
295-2, 296-3, 297, 298, 309-2, 310-1, 311-2, 312-2 & 3 & 4, 313-3, 320,
322-1, 325-3 & 5 & 6 & 9, 329-2, 346, 354, 357, 385-2, 386 al 1
& 3, 389, 390, 400, 405-2, 412-2, 419-1, 419-2, 422-1 & 2, 424, 428,
433, 436-2 ) (Cf Dony, page 184 et 191), et aussi et III-300 (défense)
( liste des actes de la Commission : III-133-2 d, 158-4, 165-2, 165-3,
166-3, 168-1 & 2, 168-4, 232, 240-4) ) (Cf Dony, page 184 et 193)
(liste des actes de la Banque : III-190-1 a et b)
- la Commission adopte des règlements délégués selon la délégation
donnée par le Parlement ou le Conseil (art I-36), ou prend des
décisions ou règlements d’exécution conformément à la loi (art I-37)
- le Conseil et la Commission adoptent des recommandations –art I-35-3).
3) Révision
La révision est possible suivant plusieurs procédures « lourdes »
qui exigent toutes la ratification par chacun des Etats, à l’instar de ce qui
est exigé pour les traités internationaux (art 443, 444) ou l’unanimité du
Conseil européen (art 445).
Par contre, on trouve parmi les décisions pouvant être prises par le
Conseil, celle permettant de modifier le protocole sur les déficits excessifs
(art III-184-13), pourtant inclus dans la Constitution, (de même pour le
statut de la Banque (art III-187-3 & 4)). Il est vrai que la constitution
contient également le cas des pelures de cacao et des vessies de bestiaux, au
sujet desquels on ne songerait pas à réunir un congrès …( annexe 1-liste art
III-226).
4) Pas de séparation des pouvoirs … et autres étrangetés
Au vu des définitions des fonctions des institutions de l’Union, comme au
vu des procédures de l’Union, on constate qu’il n’y a manifestement pas de
respect du principe de séparation des pouvoirs.
Le « pouvoir législatif » est réparti principalement entre le
Conseil, la Commission et le Parlement, le Parlement n’a même pas l’initiative
des lois (sauf cas particuliers)…
« La méthode communautaire se caractérise précisément par une
confusion des fonctions et une difficulté à « séparer les
pouvoirs » des institutions, lesquelles sont davantages tournées vers la
collaboration mutuelle. »
« il n’existe pas de véritable hiérarchie entre les actes législatifs
et les actes non législatifs mettant en œuvre directement la
Constitution »
« Contrairement aux actes législatifs, les actes non législatifs ne
sont pas soumis au contrôle de subsidiarité exercé par les Parlements nationaux
et le Conseil n’est pas tenu de statuer en public lors de leur adoption »
(Commentaire de la Constitution de l’Union européenne, édité par Marianne Dony
et Emmanuelle Bribosia, Institut d’Etudes européennes, Editions de l’université
de Bruxelles, 2005).
On est tentée de caractériser cette Constitution par l’idée de
« CONFUSIANISME », une forme de « réalisme dialectique » où
tout est dans tout et réciproquement…
Ainsi, ce droit européen qui prime les droits des Etats membres, ne
respecte pas les principes démocratiques.
La Constitution que l’on nous demande d’approuver se caractérise
par :
- des petits groupes inamovibles collectivement (Conseils et
Commission qu’ils choisissent, Cour de Justice), auxquels sont conférés à la
fois les pouvoirs législatifs et exécutif, (et pour la Cour un pouvoir
d’interpréter le programme politique constitutionalisé)
- Un Parlement, dont les pouvoirs ont été accrus … au point qu’il n’a même
pas le pouvoir de proposer une loi.
Elle instaurerait un régime OLIGARCHIQUE ( pouvoir de quelques-uns), et non
DEMOCRATIQUE (pouvoir du peuple). La démocratie, on sait quand on la perd…
***
Synthèses sur des aspects particuliers de la
Constitution
LA CONSTITUTION ET L’ECONOMIE
Credo de la Constitution :
Objectifs de l’Union : « concurrence libre et non faussée »,
la « stabilité des prix » ( art I-3),
« les Etats membres et l’Union agissent dans le respect du principe
d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une
allocation efficace des ressources » (art III-178).
Amen.
La rigidité idéologique de la Constitution européenne peut nuire, dans
certaines circonstances, à l’économie, notamment par les dispositions
suivantes :
§ Conditions
posées aux coopérations renforcées (art 44) : cette disposition, très
paradoxale au vu de l’objectif affiché de « renforcer l’Europe »,
donne à croire que le seul renforcement qui est réellement souhaité par les
auteurs du texte, est le renforcement de leurs pouvoirs : c’est pourquoi
ils posent des freins à des initiatives qui pourraient crééer du droit en
dehors de leur circuit.
§ Interdiction
de restreindre la circulation des capitaux y compris avec les pays tiers (art
156, 157-2)
§ Interdiction
de monopoles publics (art 162 et 166)
§ Interdiction
des aides publiques aux entreprises (art 167)
§ Interdiction
de financement par la Banque centrale (art 181
§ Indépendance
totale de la Banque centrale par rapport aux politiques (art 188), dont
l’Eurogroupe
§ Objectif
de suppression des restrictions aux échanges et investissements étrangers
directs (art 314)
Par ailleurs, on ne voit pas apparaître dans les missions des institutions
économiques, celles de planification, de veille économique… La mission de
« cohésion » est plus proche d’une fonction de redistribution.
DEMOCRATIE PARTICIPATIVE, DROITS DES
MINORITES ET LAICITE
A) Les droits
La Constitution définit deux formes de démocratie : la démocratie
représentative (art I-46) (élection de représentants des citoyens) et la
démocratie participative (art I-47, 48, 52) ( consultation des
« citoyens et associations représentatives », « dialogue avec
les partenaires sociaux », (art I-52) « dialogue ouvert transparente
et régulier avec les Eglises et organisations non confessionnelles ».
Le lobbying de groupes à la légitimité souvent douteuse est mise sur le
même plan que l’élection de représentants par le peuple.
Alors qu’aucune chambre parlementaire ne représente les Etats ( comme le
fait le Senat aux USA), la Constitution institue un « Conseil des
Régions ».
Par ailleurs au dernier moment, les « droits des minorités » sont
apparus dans la rédaction finale de la Constitution, sous forme de
« droits des personnes appartenant à des minorités », parmi les
« valeurs de l’Union » (art I-2).
La partie II reconnaît quant à elle la liberté religieuse, y compris
l’exercice du culte collectivement et en public (art II-70), et déclare, après
le principe de non discrimination (art II-81) que « L’Union respecte la
diversité culturelle, religieuse et linguistique » (art II-82)
France, République laïque, une et indivisible… qu’allais tu faire dans
cette galère ?!
B) Les risques
Il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter.
L’article I-52-2 ne dit-il pas que l’Union respecte le statut des Eglises
en droit national ? Oui, mais le statut qu’elle leur donne en tant
qu’interlocuteur régulier dans l’alinéa 3 est précisément contradictoire avec
le statut français des Eglises, qui ne prévoit aucun devoir de consultation des
Eglises pesant sur l’Etat ou le législateur.
L’article II-112 ne prévoit –il pas que lorsque la Charte reconnaît des
droits fondamentaux tels qu’ils résultent de « traditions
constitutionnelles communes aux Etats membres, ces droits doivent être
interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ? Oui, mais cet
article ne concerne que la partie II et non les articles I-2 et I-52. De plus
ceci a-t-il un objet en droit religieux ou droits des minorités, alors
qu’on ne voit pas quelle « tradition constitutionnelle commune » il
pourrait bien y avoir entre la France laïque et la plupart des autres Etats
européens ?
Il n’est pas écrit que les « Constitutions » des Etats doivent
être respectées, mais uniquement des « traditions
constitutionnelles ». Soulignons que pour les partisans du droit
« coutumier » ou « traditionnel », la principale qualité de
ce droit non écrit est l’évolution…
La déclaration 12 sur les « explications » de la Charte, ne
précise-t-elle pas qu’en ce qui concerne l’article 10 (article II-70 de la
Constitution) le paragraphe 2 de l’article 9 correspondant dans la
Convention européenne des droits de l’homme sur les restrictions possibles,
s’appliquera aux limitations possibles ? ( Ce qui renforce les
dispositions de l’art I-5 sur le respect par Union des fonctions essentielles
des Etats notamment celles permettant d’assurer le maintien de l’ordre, et
surtout l’interdiction de l’abus de droit par l’art II-114).
Certes mais la déclaration 12 indique sous l’article 52 (article 112 de la
constitution) : « La règle d'interprétation figurant au paragraphe 4
est fondée sur le libellé de l'article 6, paragraphe 2, du traité de l’Union
européenne (cf. désormais le libellé de l'article I-9, paragraphe 3, de la Constitution)
et tient dûment compte de l'approche suivie par la Cour de justice à l'égard
des traditions constitutionnelles communes (par exemple, l'arrêt rendu le 13
décembre 1979 dans l'affaire 44/79, Hauer, Rec. 1979, p. 3727; l'arrêt rendu le
18 mÉ 1982 dans l'affaire 155/79, AM & S, Rec.1982, p. 1575). Selon cette
règle, plutôt que de suivre une approche rigide du «plus petit
dénominateur commun», il convient d'interpréter les droits en cause de la
Charte d'une manière qui offre un niveau élevé de protection, adapté
au droit de l'Union et en harmonie avec les traditions constitutionnelles
communes. »
Selon ce critère, la jurisprudence européenne pourra estimer à l’avenir
qu’un « niveau élevé de protection » justifie pleinement
l’exercice public ( et même collectif) de sa religion, y compris en France, au
nom du respect : des droits des minorités, de la diversité, de la
non-discrimination, de la lutte contre l’islamophobie, la christianophobie, la
xxxphobie...
De même il est envisageable que des législations harmonisant le droit en
matière de discrimination (art III-124), ou les papiers d’identité (art
III-125) ou les conditions de fonctionnement des services publics (art
III-122), introduisent une liberté d’exercer sa religion plus largement que la loi
française ne le permet.
Et pourquoi pas qu’un jour proche, conformément à l’appel du Conseil
européen de la fatwas, des groupes de pression musulmans ne demandent, comme au
Canada, l’application du statut personnel islamique, et la reconnaissance du jugement
de tribunaux islamiques.
La Cour européenne des droits de l’Homme, en application de la Convention
européenne des droits de l’homme, a bien reconnu le droit de l’Etat turque
d’interdire le voile ou un parti islamiste, mais aujourd’hui, c’est justement
un parti islamiste qui est au pouvoir en Turquie …
Quant aux législations sur le blasphème, rappelons que là aussi, la France
(Alsace exclue) est bien seule à maintenir la laïcité, et que ses propres juges
cèdent à la pression bigote en utilisant la législation interdisant
l’incitation à la haine raciale pour réprimer des « blasphèmes »…
DROIT DES FEMMES, DROITS DES MERES
En ce qui concerne l’avortement et le divorce, le fait qu’ils ne soient pas
mentionnés n’a pas empêché la Cour européenne de les reconnaître clairement et
largement ( Voir l’étude de M° Lepage sur ces points).
Mais il est néanmoins vrai que la reconnaissance par l’Union du rôle des
Eglises, des droits des minorités etc qui viennent d’être cités, ouvrent la
voie à des pressions plus fortes de la part des sexismes
« identitaires » divers.
La Constitution comporte de nombreuses reconnaissance des droits des femmes
(art I-2), notamment à l’égalité professionnelle (art II-83, III-210-i ), et à
la protection contre les violences domestiques ( art III-116 et
déclaration 13 sur l’art III-116).
Mais d’un autre côté, on peut discuter la reconnaissance de la
« discrimination positive » (art II-83), contester la notion de
famille et de conciliation vie familiale et vie professionnelle uniquement par
l’octroi de congés ( et non d’aides à la garde des enfants), s’interroger sur
la notion de « libre circulation des travailleurs » lorsque des Etats
européens y incluent les « travailleuses du sexe » …
Enfin on peut se demander ce qu’il y a de bien neuf dans ces
reconnaissances, lorsqu’on les compare avec les engagements des Etats
signataires de la convention de 1979 sur l’élimination de toutes les
discriminations envers les femmes ( la précision de la déclaration 13 sur la
lutte contre la violence domestique sans doute). ( Au lieu des chapelets de
« droits » du Traité, il suffisait de renvoyer aux Conventions de
1950 et de 1979 ?).
Mais il y a deux points inquiétants pour les mères dans ce texte, au vue de
l’évolution récente de la législation en faveur des pères en cas de divorce.
Depuis la loi sur la garde alternée de 2002, en particulier, dans l’esprit de
trop nombreux juges, le droit de l’enfant à voir ses deux parents, se traduit
par des jugements de Salomon , obligeant l’enfant à être
« également » partagé entre mère et père, quelle qu’ait été la
violence du père, et quelque trouble, fatigue et charge que cela entraîne
l’enfant et sa mère. Par ailleurs des femmes, craignant, à tort ou à raison,
des violences contre leur enfant, sont emprisonnées pour non présentation
d’enfants.
Dès lors, les dispositions de la Constitution sur la coopération judiciaire
peuvent autant rassurer certaines mères (ou pères)
« protectrices/teurs » qu’en inquiéter d’autres. Quant à l’art
II-84-3 sur les droits de l’enfant, nous souhaiterions qu’il soit revu et
rédigé comme suit : « 3. Tout enfant a le droit, selon ce qui
est conforme à son intérêt : soit d'entretenir régulièrement des
relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents (dans la
mesure des possibilités matérielles de chacun des parents), soit de ne pas
entretenir de relations avec l'un ou l'autre ou ses deux parents. »
AUTRES SOLUTIONS POUR FAIRE VRAIMENT
« AVANCER L’EUROPE »
Si comme nous le disent les partisans du oui, le texte qui nous est soumis
est essentiellement un traité, c'est-à-dire un contrat entre Etat, alors il
sera, comme tous les contrats : ce que les parties en feront…
Si les parties veulent réellement « progresser », perfectionner
leur mode de fonctionnement commun, en cas de refus d’un des pays, elles
reprendront l’étude de ces modalités, comme le prévoit d’ores et déjà la
déclaration 30 annexée au traité sur la ratification du traité « le
Conseil européen se saisit de la question ».
Construire l’Europe peut se faire soit par une Fédération, soit par un
réseau d’Etats : la seule condition réellement nécessaire et impérative
est que ses institutions soient démocratiques.
Certains opposants au traité, arguent que la démocratie n’existe pas sans
Nation. On peut en effet dire que le concept de démocratie est lié à celui de
Nation au sens, non de groupe racial, mais au sens de groupe réuni par la
volonté de vivre ensemble. Or compris dans ce sens là, le concept de Nation
pourrait très bien s’appliquer à une Fédération européenne. La seule condition
pour qu’il apparaisse une volonté de vivre ensemble, avec des règles claires et
concrètes, parait être que l’ensemble des personnes concernées, donc le
territoire de l’Etat-Nation soit déterminé définitivement. Ni la condition de
démocratie, ni la condition de limitation ne sont remplies actuellement avec le
traité proposé.
C.E.R.F
17 mai 2005
Annexe : Montesquieu L’Esprit
des lois
« Il y a dans chaque État trois
sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance exécutrice des
choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles
qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des
lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont
faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des
ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il
punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette
dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice
de l'État.
La liberté politique dans un citoyen est cette
tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté; et
pour qu'on ait cette liberté, il faut que le
gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse pas
craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans lu même corps de magistrature, la puissance
législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté;
parce qu'on peut craindre que le même
monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter
tyrannique ment.
Il n'y a point encore de liberté si la puissance de
juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle
était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté
des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était
jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur.
Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps
des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs:
celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui
de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l'Europe, le
gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs,
laisse à ses sujets l'exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois
pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux
despotisme. »